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CHAGOS – Free exhibition at the Blue Penny Museum

CHAGOS – Free exhibition at the Blue Penny Museum

CHAGOS !
exposition gratuite au Blue Penny Museum
du 25 juin au 6 septembre

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Faire une exposition sur la culture chagossienne constitue un
défi à relever pour plusieurs raisons. Même s’il ne s’agit pas
d’une exposition sur l’excision des Chagos à proprement
parler, fondamentalement, la justification de cette
manifestation culturelle puise dans ce fait historique sa raison
d’être. Lorsqu’un crime a été commis, il est de coutume de se pencher
sur «les antécédents du criminel» afin de mieux comprendre
les multiples raisons de son acte, mais, ce faisant, la Justice
néglige le plus souvent de s’intéresser aux antécédents de la
victime, ce qui ne lui vient même pas à l’esprit, tant elle voit en
elle, à tort, Monsieur et Madame Tout le Monde. Aussi le
criminel, par son acte, se trouve seul digne d’un intérêt
particulier. Il en ressort la plupart du temps, même quand la
victime aura bien sûr été entendue, … un goût amer. Rien à faire, la victime n’a pas droit à ses
antécédents !

Cette exposition prend résolument le parti pris inverse. Certes la perte de souveraineté sur une
partie indivisible du territoire mauricien a déjà quelque chose d’intrinsèquement inadmissible
et la question de la territorialité de cet archipel s’avère sans aucun doute cruciale, mais par delà
cette lutte légitime, un crime humain a également été commis.
Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, disait fort justement qu’un criminel agit toujours en deux fois,
la première en perpétrant son forfait, la deuxième en effaçant par la suite toute trace du crime
perpétré…
Dans le cas des Chagossiens, il en fut de même et, après les avoir déportés jusqu’au dernier,
soigneusement dispersés en différents points de l’océan Indien, les occupants se sont
empressés de nier l’existence d’un peuple autochtone. Ce faisant, l’impérialisme, adding insult
to injuries, alla même jusqu’à prétendre que les C2
habitants de l’archipel, rebaptisés promptement « îlois »
par condescendance, n’étaient jamais nés sur place !
Cette exposition, qui se veut somme toute fort modeste,
ne vise en fait qu’à présenter et affirmer une culture
originale et authentique dont notre part d’humanité, de
quelque origine que nous soyons, peut être
particulièrement fière.
Grâce à Fernand Mandarin, né au Chagos, qui y a grandi,
y a vécu de nombreuses années et dont le regard se
trouve encore empreint de tout l’univers si riche de sa jeunesse là-bas, il nous a paru très
important de pouvoir apporter aux Mauriciens comme aux nombreux touristes qui fréquentent
quotidiennement notre musée, une pierre dans ce long édifice de la reconstruction d’une
population meurtrie et exilée. Le défi ne sera jamais relevé tout à fait et beaucoup demeurera à
entreprendre, mais d’ores et déjà, nous pourrons aisément comprendre, en tant que Mauriciens, que ce soutien, si chacun à son niveau et où qu’il se trouve, peut s’y associer,
constituera une force indispensable à ce combat lui-même.
Journalistes, cinéastes, artistes, écrivains, metteurs en scène de théâtre, désormais
muséologues, demain chorégraphes, dessinateurs ou simples citoyens, tous et chacun d’entre
nous avons notre part de responsabilité dans la dénonciation du crime et la revendication des
réparations, du retour et de l’intégrité territoriale.
Il demeure que, tenter de faire revivre une richesse humaine et culturelle aussi dense que celle
des Chagossiens au sein de 200m2 d’espace d’exposition, s’avère une gageure difficile à relever.
Une douzaine de cartes anciennes, à elles seules, présenteront un intérêt évident au visiteur.
Certaines, fort rares, du 17e siècle, d’autres très récentes, permettant de mieux comprendre la
situation géopolitique et stratégique de l’archipel. Découvrir une carte de Peros Banhos au sein
d’un ouvrage majeur de Charles Darwin, Coral Reefs, voilà qui crée en soi une émotion pour ne
pas dire une fierté… Faire refaire les maquettes du Zambezia ou du Diégo, forger les outils si
caractéristiques de l’exploitation du coprah ou les instruments spécifiques de la pêche locale,
quand les colons militaires ne vous permirent nullement de les emporter avec vous, quand ils
ne demeurent plus aujourd’hui que dans le souvenir des Anciens… Voilà un défi intéressant !
Il n’existe à Maurice que quatre femmes sculptées, deux ne sont pas mauriciennes, la Reine
Victoria et Indira Gandhi. Une autre, très mauricienne, sans doute, n’a jamais existé que dans
l’imagination d’un écrivain et l’inconscient collectif d’une nation, Virginie… Somme toute, une
seule, Anjalay Coopen a eu la chance de pouvoir être interprétée par un artiste… Aussi, pouvoir
rendre aujourd’hui hommage au sein de l’exposition à Lisette Talate et Charlésia Alexis par
deux sculptures, est en soi une grande satisfaction.
Si nous ajoutons à cela que le visiteur pourra user lui-même du bobre ou s’essayer au makalapo
ou au zèze, nous espérons que le Blue Penny Museum aura pu contribuer, à sa mesure, à mieux
conscientiser les visiteurs, que nous espérons nombreux, concernant un drame qui les touche
souvent beaucoup plus qu’ils ne le pensaient eux-mêmes.
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Reste qu’à l’avenir, nous espérons bien que les autorités
comprendront mieux, elles aussi, la nécessité d’un tel travail
culturel. Promettre un espace et l’identifier est une chose, le
réaliser en est une autre, qui demande volonté, travail et
honnêteté. Puisse cette exposition temporaire, à défaut d’avoir pu
se produire à Londres ou à New-York, ce qui, en soi, eut été
beaucoup plus facile qu’il y paraît, au moins se voir un jour
intégrée au sein d’une Maison des Chagos, c’est notre souhait le
plus cher, il est en fait à portée de main.
Nous tenons ici à remercier chaleureusement Fernand Mandarin
et le Comité Social Chagossien, Jean Marie Chelin, David
Constantin, Kadress Soobaroyen et Marclane Antoine sans
lesquels cette exposition n’aurait jamais pu voir le jour, chacun
d’entre eux, sans le savoir et sans véritablement se connaître,
s’avérait complémentaire des autres.

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