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Les laves bleues

Les laves bleues
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Catherine Boudet

 

Catherine Boudet who is a well-known Réunionnese journalist and author, living in Mauritius, has just won the prestigious Grand Prix de poésie Joseph Delteil 2012 for her latest work entitled Les Laves bleues. A number of the poems in this prize-winning volume are dedicated to her adopted country Mauritius.

These poems have been described as fragments of memories evoked by intense and enduring emotion … conveyed by a prose that is poignant and visceral. The aesthetics of her prose transport us to a space where universal themes such as exile, truth and beauty are at play.

A foreword to the book by Christophe Corp gives us a further insight into the poet’s work. He writes: «La conscience poétique de Catherine Boudet est celle de la grande vanité des choses, une grande vanité qui ne leur enlève nullement leur beauté, née parfois de l’horreur, comme cette fleur de poème, sursaut de vie qui pousse dans les décombres d’un tremblement, qui est aussi fondement tellurique du désir. Notre poète pourrait bien être née, un jour sismique, au siècle baroque de tous les tremblements, elle est fille fidèle de toutes ses branloires pérennes….Sa poésie est fleur de ruines et de fragments, pour le plus pur plaisir de la fulgurance, elle-même fille du fragment et de l’unité perdue soudain faite éclair, entre décadence et sublime.»

We present below for your enjoyment a selection of poems from Les laves bleues:

 

Ce monde qui chavire

Ce monde qui chavire

Restera-t-il des étoiles

Ou auront-elles aussi le goût des larmes

Partir est sans saveur
Les quêtes se font plus étiolées
Alors que perlent les pensées
Comme des gouttes de sueur sur la toile des vies
J’ai perdu jusqu’au goût de l’écriture
Je suis le sâdhu de ces antiques métropoles
Où le jour ne se lève jamais
Sans un frémissement d’hommage de l’orbe sur le silence
Je marche dans cette rosée de larmes
Et c’est au jour d’avant que je dois d’avoir désappris le goût des accessibles
Je suis le sâdhu des antiques métropoles où poivre et encens ne piquent plus la langue
Je marche dans la gloire du mendiant qui se dévêt des peaux que le soleil aurait pu lui prendre
Je ne suis pas le soleil
Et il fait nuit à l’intérieur de moi
Et les mains qui se lèvent ne pointent que les vestiges
Ou l’impuissance des cathédrales
Lorsque j’aurai encombré ma mémoire de milliers de pétales
Il restera la brume
Pour me dire que le jour est ailleurs

 

Royauté de l’éphémère

Saccagé au couteau dans la désolation d’une île, pousse le poème. Royauté de l’éphémère. J’en arrache, une à une, les épines. Le temps comme un sari mal ajusté dans la poussière de lune des cargos. Il s’est mis à nu le jour, dans la clameur de la rue. Il faut savoir s’envoler parfois. Ne plus trembler lorsqu’elles viendront. J’entrouvre une fenêtre et des étoiles se lovent entre les moisissures de l’hiver. Dans ces débris j’ai entendu la mer, un cœur qui tremble. Et je contemple ta peau inaccessible. Je t’écrirai un poème muet qui te dira ce que tes yeux ont planté dans le désert de mon cœur. Le mot, ce seul sanctuaire dans le culte du vide. Versez, je vous prie, sur mes pieds la féerie du poème, que j’y retrouve l’oubli et la fatalité.

 

 En prévision de l’exil

 Je me tiens debout sur la brèche soufrée d’un ciel en perdition

Portant le deuil d’une matrice stérile
De ma sueur je féconde un exil gémellaire
Une autre île un même horizon
Sans tain
Je me tiens debout sur la brèche soufrée d’un ciel en perdition
Mon étoile insulaire a pâli
J’attends l’ailleurs fécond comme une blessure
Le pas des rêves dans les couloirs du temps
L’espoir fou de la perte
Sur cette brèche soufrée du ciel où je me tiens debout

 Saison de coupe

Cela fait plusieurs jours maintenant que le vent nous apporte de minces flocons de cendre. On brûle la canne dans les champs d’à-côté. La vie s’écoule comme un sirop doux et épais. Loin des murs, dans la clameur des oiseaux, on pourrait si tu le veux, se revoir au détour d’un autre rêve

 

Souvenir devenu chair

Dans ce bus fou qui dévalait à toute vitesse vers le Port-Louis
Ce pays-là vous prend aux tripes
J’arrachais un à un les fils d’une antique cicatrice lorsque le souvenir se fit chair
J’avais porté à pleines mains la coupe d’une ignominie tacite
Sur la peau de ces silences démesurés où on distille goutte à goutte le politiquement correct
Nos lèvres muettes comme la façade des temples
Des démons étranges figés dans le plâtre
Elle portait un prénom d’homme
Ce qui était peu commun dans sa religion
Pourquoi me souvenais-je d’elle des années plus tard
Au milieu d’un brouillard épais
Et ce Port-Louis qui me happait à cet instant précis de ses milliers de peaux
C’était à l’angle des rues Desforges et Ollier qu’elle m’asséna sa cruauté
Il me reste l’odeur du cotomili qu’un marchand ambulant vendait accroupi au milieu de la foule

 

Le Morne, deux janvier

J’évente, dans la solitude des mornes, l’odeur de poudre de la nuit, la migraine que donne le soleil. L’air épais au soleil descendant avait pris le goût du jus d’ananas que des vendeurs coupaient en bas des filaos. Le sable a une odeur qui n’est pas celle de la mer, le reste de mes écrits s’en va dans la vague

 

Extracts from this collection will soon be published in the magazine Souffles.

Catherine Boudet’s work is edited by the association of Les Ecrivains Méditerranéens.

Catherine Boudet is also the author of four collections of prose, Résîliences (L’Harmattan, 2007), Le barattage de la mer de lait (Ndze, 2009) Nos éparses nos sulfureuses (Acoria, 2010, with a foreword by Ananda Devi) and Haïkons, petits poèmes à emporter (Kirographaires, forthcoming, 2012)

© MauritiusMag

 

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